Je suis sexologue, certes, mais j'occupe aussi un poste de coordonnatrice d'un organisme communautaire dans la région de Laval qui travaille à contrer les problématiques de la violence conjugale et des agressions à caractère sexuel.

En cette journée du 6 décembre, j'ai rédigé une lettre ouverte dans le "Courrier Laval" qui, j'en suis convaincue, est suffisamment pertinente et de nature sexologique pour que je la mette ici aussi.

Bonne lecture!

Sophie Morin, Sexologue-Consultante


Je me souviens du 6 décembre 1989... 
Il y a 21 ans aujourd’hui, un homme entrait dans l’école Polytechnique pour assassiner des femmes. Avant de s’enlever la vie, il laissa une lettre qui débutait comme suit :  

Veillez noter que si je me suicide aujourd'hui 89/12/06 ce n'est pas pour des raisons économiques (…), mais bien pour des raisons politiques. Car j'ai décidé d'envoyer Ad Patres les féministes qui m'ont toujours gâché la vie. Depuis 7 ans que la vie ne m'apporte plus de joie et étant totalement blasé, j'ai décidé de mettre des bâtons dans les roues à ces viragos…  
En lisant les premières lignes de cette lettre, il est impossible de continuer de prétendre que l’homme qui a assassiné 14 femmes le 6 décembre 1989 était un tireur fou. Par ces quelques lignes, nous pouvons constater deux choses : 1) cet homme en voulait aux femmes et plus particulièrement aux féministes et 2) cet homme souffrait.  

Qui sont ces féministes à qui Lépine voulait mettre des bâtons dans les roues? Les féministes sont des personnes, des femmes et des hommes, qui luttent pour l’atteinte de l’égalité entre les hommes et les femmes. Les féministes ont notamment exigé que l’éducation soit accessible à toutes et à tous : l’école polytechnique, en permettant aux femmes d’accéder à son école, faisait un pas dans la direction de l’égalité entre les hommes et les femmes. Ces femmes, qui ont accédé à l’école polytechnique, ont bénéficié des gains des luttes féministes. En assassinant des femmes qui étudiaient dans cette école de métiers traditionnellement masculins, Lépine envoyait un message à l’ensemble de la société québécoise : à son sens, les femmes n’avaient pas leur place dans cette institution d’hommes, donc que les femmes n’étaient pas les égales des hommes.  

Nous pourrions souhaiter que le geste de Lépine traduit une pensée isolée et que la société québécoise ne partageait pas son avis, mais les lignes ouvertes dans la soirée du 6 décembre et dans la nuit du 6 au 7 décembre ont été inondées de commentaires disant : « les féministes sont allées trop loin; ce geste est la suite logique aux luttes féministes qui sont allées trop loin ».  

En 2010 encore, des groupes d’hommes et de femmes continuent de dire que les femmes et les féministes vont trop loin dans leurs luttes et leurs revendications pour atteindre l’égalité entre les hommes et les femmes.  

Est-ce que l’affirmation de soi et prendre sa place dans la société peut être considéré comme « aller trop loin»? Car c’est exactement ce que ces femmes qui étudiaient à l’école polytechnique ont fait : elles ont pris leur place dans la société en tant que femmes qui avaient un intérêt pour l’étude des sciences appliquées.


Pour toutes sortes de raisons qui peuvent s’expliquer historiquement et sociologiquement, les femmes restent encore et toujours la grande majorité des victimes de violence lorsqu’on parle des violences ayant lieu dans un contexte intime, soit lorsqu’on parle de violence conjugale et d’agressions à caractère sexuel.  

Depuis 21 ans aujourd’hui, le Québec a choisi de se souvenir de la journée du 6 décembre pour souligner les violences que vivent encore les femmes en 2010. Afin d’enrayer les problématiques de violence conjugale et d’agressions à caractère sexuel, il est primordial de travailler collectivement à l’atteinte de l’égalité entre les hommes et les femmes en clamant haut et fort « Face à la violence, c’est tolérance zéro! ».  

La violence est un phénomène qui s’exerce contre quelqu’un, ce qui est l’antonyme de l’égalité, où les échanges ont lieu avec quelqu’un. La violence envers les autres et envers soi-même ne parvient jamais à apaiser une souffrance, quelle qu’elle soit; la violence n’est qu’une réaction à une situation dérangeante et non une action qui permet d’agir de façon constructive.  

N’oublions pas que le meurtre est une forme extrême de violence, mais qu’elle n’est pas la seule forme possible. La violence peut être psychologique, verbale, physique, sexuelle et économique, mais peu importe la forme qu’elle revêt, elle reste toujours inacceptable.  

Les personnes qui sont victimes de violence comme les personnes qui ont des comportements violents ont besoin d’aide. Si vous faites partie de ces personnes, voici des ressources lavalloises qui pourront vous aider :  

Si vous avez été victime de violence, vous pouvez demander de l’aide :
  • Bouclier d’Athéna (violence conjugale, service multilingue) : (450)688-6584
  • Centre d’aide aux victimes d’acte criminel (CAVAC) : (450)688-4581
  • Centre désigné de Laval en agression sexuelle : (450)668-1803 poste 5173
  • Centre des femmes de Laval : (450)629-1991
  • Centre de prévention et d’intervention pour les victimes d’agression sexuelles (CPIVAS) : (450)669-9053
  • CLSC du Marigot : (450)668-1803
  • CLSC des Mille-Îles : (450)661-2572
  • CLSC du Ruisseau-Papineau : (450)687-5690
  • CLSC de Sainte-Rose : (450)622-5110
  • Ligne de prévention du suicide : (450)629-291
  • Maison l’Esther (violence conjugale) : (450)963-6161
  • Maison de Lina (violence conjugale) : (450)962-8085
  • Maison le Prélude (violence conjugale) : (450)682-3050
  • Service en prévention du suicide (pour homme) : (450)972-6272
  • Urgence sociale : (450)662-4595
Si vous avez eu des comportements violents, vous pouvez de mander de l’aide :
  • Carrefour d’hommes en changement (CHOC) : (450)975-2462
  • Centre des femmes de Laval (groupe pour femmes ayant eu des comportements violents dans un contexte conjugal) : (450) 629-1991
  • Centre d’intervention en délinquance sexuelle (CIDS) : (450)967-3941
Sophie Morin
Coordonnatrice de la Table de concertation en violence conjugale et agressions à caractère sexuel de Laval (TCVCASL)
514-436-4743
info@tcvcasl.com

source: http://www.courrierlaval.com/Opinion/Tribune-libre/2010-12-06/article-2021950/Je-me-souviens-du-6-decembre-1989/1