Ce midi, en pleine heure du diner, ma sœur feuillète le journal Le Soleil. Elle me lit le titre d’un article: « Ladénonciation des abus sexuels ; attention aux abus ! », tiens, tu vas surement aimer cet article » me dit-elle avec une pointe d’ironie. Intriguée et inquiète, je prends la page du journal pour lire l’article. C’est avec horreur que je lis des passages tel que « Avec la « démonisation » des hommes qui ont eu des écarts sur le plan sexuel, nous assistons parfois à ce genre de scénarios où on réagit de façon irrespectueuse, je trouve, en accablant des hommes foncièrement bons et en détruisant des familles en un tour de main.» Ou encore « C’est comme si on ne faisait pas la différence entre un écart qui ne s’est jamais reproduit et des comportements clairement abusifs. » Je commence par regarder la date « Oui, nous sommes bel et bien en 2014… ». On ne sait jamais, j’aurais pu être téléportée en 1952… Je cherche d’autres explications: « C’est peut-être un journaliste masculiniste militant convaincu que le féminisme a fait autant de ravage sur les hommes que la bombe d’Hirochima sur les habitants de la ville du même nom…. Ou un mononcle qui a fait des attouchements à sa nièce de 18 ans un soir où il était un peu éméché et qu’il tente de justifier son geste irréprochable?» Puis je regarde le nom de l’auteur : « Yves Dalpé ». Un psychologue. Je suis absolument flabergastée… Un psychologue, membre d’un Ordre professionnel, écris dans un grand quotidien de la ville de Québec qu’il croit qu’une agression sexuelle est un « écart de conduite ».

Ça fait des décennies que des femmes et des hommes militent pour contrer la problématique de l’agression sexuelle et pour mettre le fardeau de la responsabilité sur l’agresseur et non sur la victime, que des campagnes de sensibilisation scandant que « non, c’est non » sont financées par l’État, et que le code criminel canadien a été ajusté concernant ces réalités.  Malgré tout, il existe encore des hommes qui disent en pleine télé qu’ils n’ont jamais agressé leurs filles « sauf une fois au chalet » ; il reste encore beaucoup de sensibilisation à faire concernant la réalité de l’agression sexuelle auprès du public. Mais qu’un psychologue, membre d’un Ordre professionnel minimise la réalité et les impacts de l’agression sexuelle pour déresponsabiliser et victimiser les agresseurs est une aberration.

 Que l’agression sexuelle soit survenue au chalet ou ailleurs, il y a 40 ans ou plus tard, que le toucher ait été un effleurement ou un geste d’une grande violence physique, que celui-ci ait duré 1 seconde ou 20 ans ; l’agression sexuelle est toujours inacceptable! Il n’y a pas de gradation à y avoir concernant la gravité des agressions, car AUCUNE d’elles ne devraient avoir lieu. Tenter de limiter la responsabilité de l’agresseur en invoquant le temps, sa supposée « respectabilité », le nombre de gestes ou en incluant l’agression sexuelle dans le spectre de la sexualité adulte en parlant « d’écart » et non « d’agression » ? Non.

Je comprends que les personnes qui posent des gestes d’agression sexuelle vivent des conséquences à la suite de la dénonciation de leur geste. Bien sûr que je suis capable d’empathie à leur situation et à celle de leur famille. Mais de là à envisager l’agression sexuelle « dans un esprit positif », comme le propose monsieur Dalpé ? Non.

Toutes les agressions sexuelles devraient être dénoncées et ce sera à un juge de déterminer la sentence en fonction des facteurs atténuants ou aggravants.  Prétendre qu’il pourrait y avoir de l’abus dans les dénonciations d’agressions sexuelles est très grave ! Il ne faut pas s’étonner que l’agression sexuelle soit le crime le plus sous déclaré au Canada et que, selon les statistiques de la Sécurité Publique, c’est plus de 90% des victimes qui ne dénonceront jamais leur agression sexuelle. Je ne vois donc pas où monsieur Dalpé voit un possible « abus de dénonciation… » avec des statistiques aussi tristes.

Monsieur Dalpé semble vouloir mettre l’emphase sur l’importance d’utiliser le respect dans les discussions et les confrontations entre les individus, même lorsque le temps vient de confronter une personne qui a posé un geste d’agression sexuelle. Je ne suis pas contre l’idée. Soulignons seulement que le sujet est émotif, car l’agression sexuelle a touché ce qu’il y a  de plus intime chez une personne. Il est facile de comprendre qu’une victime ou sa famille ne soit pas particulièrement portée à s’enfarger dans les politesses et les ronds de jambes à la suite de cette bombe atomique lancée dans leur vie. Rappelons-nous que si les agresseurs vivent de nombreuses conséquences à la suite d’un dénoncement d’agression sexuelle, ils en vivent bien peu si celles-ci n’est pas dénoncée ; c’est la panacée des victimes de vivres des conséquences à la suite de l’agression. Dans un monde idéal, les échanges entre les victimes  et les agresseurs seraient cordiaux et polis, mais dans un monde idéal, il n’y aurait pas d’agression sexuelle, donc on ne parlerait même pas du respect que les victimes devraient peut-être porter à leur agresseur…