Dimanche dernier a été publié un reportage dans le Journal de Montréal sur 3 générations qui pratiquaient le pole dancing. J'ai d'ailleurs écrit un premier article sur ce blogue pour nuancer certains propos extrêmes aperçus sous l'article. Depuis, certains acteurs ont pris la parole sur la place publique, notamment à l'émission de Denis Lévesque où l'émotivité était au rendez-vous. Comme à l'habitude, lorsqu'il est question de sexualité et d'enfant, le sujet est rapidement devenu émotif. Ce qui continue de m'étonner en 2015, c'est que lorsqu'il est question de femme et d'érotisme, on continue de sentir un malaise. Vous n'êtes pas d'accord? Voici ce que j'observe avec le débat autour du pole dancing (sans vouloir faire de jeu de mots douteux).
 
Ce que j'observe, c'est d'une part, des personnes qui posent un regard très méprisant sur des femmes qui font le choix d'exprimer leur fibre érotique via le pole dancing. À ce que je constate, le fait qu'il y ait eu un enfant dans le reportage est un catalyseur justifiant la violence des commentaires et qu'il s'agit là d'un prétexte pour mettre au grand jour la croyance qu'une femme qui assume pleinement sa sexualité et son érotisme a quelque chose de honteux. Plusieurs personnes expriment leur désir que ces femmes aient honte de pratiquer cette activité.
 
Dans le même ordre d'idée, mais qui s'exprime de façon différente, j'observe des femmes qui pratiquent le pole dancing et qui aiment profondément leur activité, mais qui n'assument pas la partie érotique de leur activité. Je crois que c'est cet aspect du débat qui m'étonne le plus. Plusieurs femmes s'époumonent de convaincre la population que le pole dancing est une activité comme une autre, une simple activité gymnastique. Dans un texte que j'ai lu sur Facebook, j'ai même eu envie de le croire, jusqu'à ce que je tombe sur ce bout de phrase: "... une discipline qui permet de développer la musculature de façon féminine".  À partir du moment où on genre une activité (homme-femme), il est impossible de nier l'aspect sexuel d'une situation.  Il serait faux de dire que "féminité" réfère au seul fait d'être née avec un vagin. Quand il est question de féminité, il est question de rapport de séduction. La féminité, c'est la façon d'être une femme pour être/se sentir belle dans le regard de l'autre. Il ne s'agit pas de dire ici si la féminité est bien ou mal, mais simplement de la replacer dans son contexte social. Il est fondamentalement humain de souhaiter plaire, que ce soit lorsqu'une personne est en couple (hétérosexuel ou homosexuel, ça n'a pas d'importance) ou lorsqu'elle se cherche un ou une partenaire. C'est dans ce contexte que vient se placer la "féminité". Il existe toute une panoplie de comportements, de biens de consommation, d'attitude et autre qui sont considérés plus ou moins féminins. Il n'y a pas nécessairement un seul modèle de féminité, mais de façon générale, la femme qui se fera traiter de "garçon manqué" ne se fera pas dire qu'elle est féminine; on dira plutôt qu'elle manque de féminité.
 
Pour revenir au pole dancing, une collègue m'expliquait que 99% de sa pratique était anérotique, car elle exerçait sa musculature pour arriver à faire les positions sur la pole. En effet, il s'agit d'une activité extrêmement exigeante, mais est-ce que l'activité devient alors dépourvue d'érotisme pour autant? J'ai eu un questionnement similaire en écoutant un documentaire sur les coulisses des productions pornographiques. À un moment, une des actrices nomme qu'il est impossible d'obtenir du plaisir sexuel lors des tournages, car les scènes sont coupées au 5 minutes pour repositionner les caméras, changer de positions, replacer certains éléments, et qu'au final, ça reste très technique. Dans un cas comme dans l'autre, j'entends et je comprends tous les efforts physiques et corporels que ça demande, mais ça n'implique pas que la sexualité et l'érotisme (ou la pornographie, dans le cas du documentaire) n'existent plus. Ça ne retire pas non plus le fait que l'objectif principal, dans le cas du pole dancing, EST d'être capable de faire des figures érotiques et féminines et que ce soit joli (donc qu'on voit le geste et non l'effort). Bien sûr que ça demande de la pratique, de la discipline, de la force, etc., mais ça ne retire pas l'aspect érotique et sexuel de la pratique.
 
Maintenant, ma question est "mais quel est le problème de faire une activité qui vise à parfaire ses capacités érotiques? Pourquoi, même les femmes qui pratiquent cette activité, tentent de nier et de minimiser cet aspect?" Je crois que c'est une des parties du débat que j'ai du mal à saisir. Je crois qu'encore en 2015, beaucoup de monde, y compris beaucoup de femmes, ont du mal à accepter et à intégrer qu'une femme en pleine capacité de ses moyens, y compris de sa sexualité et de sa jouissance sexuelle, est une femme "bien" et respectable. Il semble y avoir encore un réflexe de mépriser les femmes qui sont bien dans leur sexualité et qui n'ont pas honte d'en parler. Il semble tabou de pouvoir être à la fois une femme érotique et une maman, comme s'il fallait être un ou l'autre. Comme si à partir du moment où une femme avait porté un enfant, elle devait cacher la partie érotique d'elle-même, la maintenir dans son intimité et s'assurer que personne ne la voit. Il semble épeurant ou louche qu'une femme puisse assumer sa sexualité et avoir d'autres qualités. Je constate que dans l'univers populaire, les femmes bien dans leur sexualité devraient uniquement exister dans l'univers pornographique et ne devraient pas vivre "dans la vraie vie". Même si les hommes fantasment sur les femmes actives sexuellement et que les femmes consomment des revues qui leur proposent mille et un trucs érotiques, lorsque vient le temps de le mettre en pratique, c'est loin d'être assumé et intégré.
 
Je trouve dommage de constater que plusieurs femmes qui pratiquent le pole dancing tentent d'évincer l'aspect érotique de la pratique de cette activité pour justifier le bien-fondé de l'existence de cette activité. Le mouvement de libération sexuelle qui est survenu dans les années 60 visait entre autres à laisser les femmes gérer leur sexualité comme elles le souhaitaient. Il me semble qu'il serait temps de laisser la possibilité aux femmes de faire le choix de faire du pole dancing sans qu'elles aient à se justifier. Sans avoir à se justifier, il faudrait par contre apprendre à assumer cette sexualité ;-) 
 
Le pole dancing et les enfants?
Dans le cadre de ce débat, est-il possible qu'il soit difficile d'assumer l'aspect érotique de la pratique, car il y avait une enfant de présente dans les studios de pole dancing? Pour un enfant, une pole verticale n'a rien d'érotique. Un enfant pourra jouer des heures à tournoyer autour d'un poteau et y grimper pour s'amuser. Par contre, il y a une différence entre jouer avec ses enfants autour d'une pole à faire des acrobaties et laisser assister son enfant à une classe de pole dancing ou à la pratique d'une chorégraphie intégrant des mouvements érotiques. Les enfants n'ont pas toujours la capacité de comprendre ce qui se passe dans leur environnement ni à mettre des limites par rapport à certaines situations. Sur le coup, il est possible que certains enfants voient cette situation comme un jeu. C'est souvent à l'adolescence ou à l'âge adulte que ces enfants réalisent qu'ils ont assisté à des situations où leurs limites ont été transgressées, mais qu'ils n'avaient pas la capacité de comprendre et de mettre des limites à cette époque. Il ne s'agit pas ici de tomber dans la tragédie grecque en stipulant que ces enfants tomberont dans l'univers de la drogue et dans la prostitution. Mais il est possible qu'un enfant ait ensuite du mal avec les frontières; en mettre ou respecter celles des autres. En connaissant cet aspect de l'enfance, il serait probablement plus sage de laisser les enfants à la maison lors des cours et de ne pas les laisser assister à vos chorégraphies si celles-ci comprennent des éléments érotiques et langoureux. Si votre enfant a de la fascination pour la pole, il y a peut-être des écoles de cirque dans votre coin où les mouvements enseignés sur la pole seront adaptés à votre enfant et à son développement psychosexuel.