Le premier cours universitaire auquel j'ai assisté dans mon parcours du BAC en sexologie a été le cours de "Condition masculine". Avec la nouvelle réforme du BAC en sexologie de l'époque, des voix s'étaient élevées pour dire "Si on parle de la condition féminine, il serait pertinent qu'on s'intéresse aussi à la condition masculine. En tant que sexologues, nous travaillons souvent avec les notions d'identité sexuelle. Connaître les enjeux de la construction de l'identité, qu'elle soit féminine ou masculine, est pertinent et important dans notre travail".

Un des éléments qui m'avait marqué dans le cadre de ce cours était de réaliser que les hommes se définissent surtout par une contre-identification à ce qu'ils ne sont pas. Pour être un "vrai homme", un homme ne doit être ni une femme ni un enfant ni un homosexuel. Comment? Par exemple, un homme qui serait en contact avec son monde intérieur, qui ferait preuve de douceur, d'empathie, d'écoute pourrait se faire accuser de ne pas être un homme, car ces qualités sont traditionnellement réservées aux femmes. Un homme qui nommerait des limites, qui exprimerait des difficultés, du découragement ou de la tristesse ne serait pas un homme; ce serait un enfant, car les hommes, ça n'a pas de limites, ça n'a pas de difficultés et ça ne pleure pas. Finalement, un homme se doit de voir ses autres disciples masculins comme des êtres asexués. Un homme doit faire fit de son corps sexué en présence d'autres hommes ne serait-ce que pour essayer de prouver sa supériorité hiérarchique. Ce corps ne doit pas être associé ni à du plaisir ni à du déplaisir sexuel si un autre homme le touche. Pensez aux "blagues" des"vrais gars"; bon nombre de blagues dites hilarantes comportent des éléments sexuels intrusifs, voire violents. Pourtant, peu nombreux sont ceux qui osent nommer ces comportements de "violence sexuelle" de la part des autres hommes. Comme si le seul fait d'associer ces gestes au sexuel signifierait "J'ai pensé que ça pouvait être sexuel", ce qui pourrait être suivi de "t'es tu fif toé calice?".

Faites un inventaire mental des insultes que vous connaissez que les hommes se disent entre eux; bon nombre de celles-là visent à sous entendre qu'un homme est une femme, un enfant ou un homosexuel.

Ce n'est pas évident de construire son identité sexuelle de façon positive lorsque les éléments d'identification à la masculinité sont des éléments de contre-identification. Les balises sont davantage de la sphère de "ce qu'il ne faut pas être". Oui il faut être fort, actif et agressif (dans le sens d'être dans un élan) pour être un "vrai homme", mais ces éléments sont en réponse à ce qu'il ne faut pas être.

Voici une vidéo dans laquelle on présente bien les éléments constitutifs de la masculinité.


Les hommes ont de grands défis pour développer plus de souplesse dans la perception de la masculinité, car la majorité des gestes qui pourraient les amener à moduler ces perceptions sont des atteintes à la masculinité traditionnelle. Il s'agit là d'un enjeux majeur des couples qui consultent en thérapie conjugale, mais aussi pour les hommes qui ont besoin d'aide; le "seul" fait de nommer son besoin d'aide est déjà une étape assez loin dans le processus d'introspection. Apprendre à parler, à nommer ses émotions sont des éléments qui sont perçus par bien des hommes comme des menaces au maintient de leur masculinité. C'est ce qui explique aussi que les hommes attendent très longtemps avant d'aller chercher de l'aide; ils se perçoivent alors comme faibles et sentent leur identité sexuelle fragilisée. C'est ce qui peut aussi expliquer la grande utilisation de la colère de plusieurs hommes en début de thérapie ou lorsqu'ils sont en contact avec leur tristesse; pour maintenir un minimum d'amour propre, ils utilisent une émotion qui permet de garder les gens à distance, car le rapprochement des émotions plus intériorisées, comme la tristesse, les ramènent là aussi à une autre atteinte à leur identité sexuelle, l'intériorité étant une caractéristiques féminine.

Comprendre la construction de la masculinité permet mieux d'intervenir avec les hommes. Le défi reste de pouvoir les accompagner, car leurs demandes d'aide sont peu fréquentes.