Oeuvre "L'enfant qui n'est pas né", par Martin Hudaceka qui
soulève la douleur des femmes qui ont eu un avortement.
Quelques jours se sont écoulés depuis l'arrivée à la présidence de Donald Trump. Cette arrivée a semblé être un séisme pour bon nombre de personnes. Je vais laisser aux analystes politiques parler des impacts politiques, sociaux et économiques de cette arrivée au pouvoir. Ma collègue homonyme Sophie D. Morin a écrit un texte sur le site collaboratif Les 3 sex au sujet des impacts sexologiques de cette arrivée au pouvoir pour les Étasunien.ne.s.

Un des aspect qui a été remis de l'avant par Donald Trump est cette position dite de "pro-vie" qu'il défend. Être "pro-vie", dans le langage militant, c'est se positionner contre l'avortement à tout prix. L'aspect "à tout prix" est très important dans la définition, car c'est spécifiquement ce qui la départage de "l'autre camp", c'est-à-dire le camp des "pro-choix". Les "pro-choix" sont les militant.e.s qui prennent position pour que chaque personne fasse ce qu'elle veut de son corps et, dans le cas de l'avortement, comme c'est la femme qui porte un foetus en elle, la décision de mener cette grossesse à terme, ou pas, lui revient.

J'avais envie d'aborder ce sujet aujourd'hui, car l’appellation "pro-vie" laisse sous-entendre que l'autre camp est contre la vie. Comme si, en mettant de l'avant l'importance de laisser le choix à une personne, on prenait pour acquis que ce choix était juvénile et égoïste. Comme si une femme qui devait réfléchir à cette grossesse non-désirée avait nécessairement fait un choix facile. C'est un préjugé qui circule beaucoup cette notion de choix qui rime avec facilité. Pourtant, choisir est souvent plus difficile qu'être contraint, car une personne qui choisit vivra avec les conséquences de son choix. Ce mythe de choix facile vient avec l'idée que si une personne avait fait "le bon choix", elle ne vivrait pas de culpabilité et que si elle se sent coupable, c'est probablement car elle a fait le mauvais choix. 

"Le bon choix" est aussi un choix qui ne prend pas la personne elle-même en considération. Comme si "se prendre en considération", se mettre dans l'équation pour faire un choix était un choix purement égoïste, sans considération pour les autres. Comme s'il fallait choisir: moi ou les autres. S'il y a un peu de "moi" dans l'équation, je ne pense pas assez aux autres, je dois me sentir coupable et "j'ai fait un mauvais choix".

L'image de la femme qui entre dans une clinique d'avortement avec le sourire en disant "je m'en sacre moi. Fuck you bébé. Dans poubelle le bébé!" existe uniquement dans l'imaginaire des personnes qui ont du mal à éprouver de l'empathie pour une personne qui a des valeurs et un point de vue différent. Il existe des dizaines de raisons qui peuvent expliquer pourquoi une femme ne souhaite pas mettre une grossesse à terme. Ces raisons peuvent être les mêmes qui seront évoquées par les femmes qui décident de mettre leur grossesse à terme. Ce que j'observe des femmes qui ont pris cette décision dans leur vie, c'est que ce choix est rarement facile. Facile dans le sens de "Youplaoup! Je n'ai aucun problème avec ça moi l'avortement! Bon, mon épicerie maintenant!" Certaines prendront une décision plus rapide que d'autres, mais ça ne veut pas dire qu'elle vivront de la joie et de la plénitude. Même dans le cas des décisions libres et éclairées, même en sachant qu'il s'agit d'un feotus et non d'un bébé, même si, même si, même si... Prendre la décision de ne pas donner la vie à cet amas de cellules au creux de son ventre ne se fait pas sans vivre d'émotions. Est-ce que certaines femmes vivent aucune émotion? Oui. Bien souvent, des femmes se coupent de se qui se passe à l'intérieur d'elles. Ces émotions sont peut-être déconnectées à ce moment, car elles sont trop intenses ou trop douloureuses et bien souvent, avec les mois ou les années, ces émotions surgiront. 

Est-ce que ces femmes auraient eu une plus belle vie si elles avaient décidé de mettre cette grossesse à terme? Non. Ça ne fonctionne pas comme ça. Ce n'est pas parce que ce choix se fait avec différents niveaux de douleur que cela signifie que le choix était mauvais. Être pro-choix, c'est respecter là où la femme est à ce moment de sa vie. Peut-être que trois mois avant ou après, sa décision aurait été différente. Mais la décision doit se prendre maintenant. Avec qui elle est maintenant. Avec son bagage actuel. Avec ses outils d'aujourd'hui. Pas ceux d'hier ou de demain. Avec ceux de ce jour.

Certaines femmes se disent "pro-choix" et, pour elles-mêmes, ne pourraient pas vivre d’interruption volontaire de grossesse. Elles sont toutefois capable de voir que pour une autre femme, c'est différent. Être pro-choix, ce n'est pas être contre la vie. C'est être pour la vie, mais pas à tout prix.