Expérience de Harlow avec la mère fil de métal 
et la mère chiffon
Qu’est-ce que ça veut dire au final « la dépendance affective »? Cette expression n’est pas un diagnostic de trouble psychologique. Il s’agit plutôt d’une expression fourre-tout qui couvre un large spectre de défis relationnels que peut rencontrer une personne. Le problème, c’est que cette expression englobe tout et n’importe quoi de façon imprécise. Mais ce qui est central, ce sont les défis relationnels.

Trouble?
Il y a quelque chose de particulier dans cette expression, vous ne trouvez pas? 
« Dépendance affective ». Cette proposition sous-entend qu’on pourrait dépendre de l’affection qui signifie « attachement et tendresse ». L’expression signifie qu’il y a un problème lorsqu’une personne chercher à s’attacher aux gens tendrement. Ce serait l’équivalent de dire qu’une personne est dépendante à l’air de qualité. N’est-ce pas curieux?

L’affection, en soi, n’est pas néfaste. La recherche de liens tendres avec les autres est souhaitable. Il ne s’agit donc pas d’un problème d’affection, au contraire. Des études atroces à l’époque médiévale ont même démontré qu’en cas d’absence de contacts, les bébés mouraient. Harlow, un chercheur américain, a reproduit cette expérience cruelle sur des bébés singes dans les années 60. Il souhaitait savoir si les bébés singes, séparés de leur mère, iraient davantage vers la poupée en métal qui leur donnait de la nourriture ou vers la poupée en chiffon, pour être rassurés. Le résultat? Les bébés singes allaient vers la poupée en métal uniquement lorsqu’ils avaient besoin de manger et restaient avec la poupée chiffon le reste du temps. Cars ils avaient besoin d’un contact tendre pour être rassurés. Les impacts sur ces singes à l’âge adulte? Des décès prématurés, des difficultés à trouver un.e partenaire pour se reproduire, car ils n’arrivaient pas à créer des liens sainement, un manque d’intérêt pour trouver un.e partenaire et beaucoup moins de reproduction, car les femelles démontraient peu d’intérêt pour l’accouplement.

En gros, le problème, ce n’est pas le surplus d’affection ou la dépendance à l’affection. C’est une carence importante d’affection dans l’enfance qui a des conséquences désastreuses sur la capacité d’une personne à créer des liens sains dans le futur. Les personnes carencées ne connaissent pas ce que c’est un lien sain et tendre. Elles se lancent donc dans toutes sortes de relations, car elles ont besoin d’être rassurées. Elles n’ont pas eu ce sentiment d’apaisement intérieur dans leur enfance, leur système nerveux est constamment activé, elles sont agitées et ne savent pas comment s’apaiser. Et ces personnes diront : « Je n’ai manqué de rien quand j’étais enfant. J’avais un toit, je mangeais 3 fois par jour et j’avais des cadeaux à Noël. » Ces personnes avaient accès à une poupée métal qui les a nourries. Mais elles n’ont pas ou peu reçu d’affection.

Donc non, vous n’êtes pas dépendant.e.s affectif.ive.s. Vous vivez les séquelles de carences dans votre enfance. Et pour l’instant, vous ne savez pas comment combler ces carences. Et je suis sincèrement et profondément désolée pour vous. Cessez de vous taper sur la tête et de croire que vous êtes le problème. Vous avez des défis importants pour combler vos besoins de base. Mais ce n’est pas vous le problème. N’hésitez pas à aller chercher de l’aide; vous en valez la peine.

***Texte originalement publié dans le journal Le Canada Français