Le dimanche 8 mars se tiendra la « Journée internationale des droits des femmes ». Cette journée qui existe depuis 110 ans tire son origine des luttes pour l’égalité des femmes et des hommes, notamment pour que les femmes aient le droit de vote et de meilleures conditions de travail. C’est vers la fin des années 60 qu’une partie des luttes touchent à la sexualité et qu’a eu lieu parallèlement « la révolution sexuelle ». La sexualité s’est alors désacralisée, est devenue moins taboue et davantage discutée. La création de la pilule contraceptive a permis aux femmes d’envisager « le sexe pour le sexe » dans les relations hétérosexuelles sans crainte (ou presque) de vivre une grossesse.

Le contexte socio-politique a changé depuis la création de cette journée en 1910 et plusieurs luttes pour l’égalité ont été gagnées. Alors, est-ce que cette journée est toujours pertinente en 2020? Est-ce que l’égalité entre les hommes et les femmes est atteinte? Dans le rôle privilégié que m’accorde mon travail de sexologue et psychothérapeute pour entrer au cœur de l’intimité des gens, je vous certifie que cette égalité est loin d’être gagnée en ce qui concerne la place de la sexualité dans la vie des femmes.

1ere relation sexuelleLorsqu’il est question d’éducation à la sexualité, on insiste généralement davantage sur l’idée « d’attendre le bon » auprès des filles, mais moins auprès des garçons. Ce discours souligne la perception d’une sexualité sacrée chez les filles, quelque chose à offrir, de précieux, qui se doit d’être préservé. On insiste aussi sur les douleurs qui pourraient avoir lieu. Bref, on présente le premier rapport sexuel aux filles comme quelque chose d’épeurant et de potentiellement pénible, à mille lieues du désir et du plaisir. On présente rarement aux garçons le premier rapport sexuel sous cet angle. On leur parlera davantage du stress qui pourrait être vécu face à cette première expérience, des conséquences possibles de ce stress (dysfonction érectile, éjaculation rapide), de l’importance d’écouter leur partenaire. On ne présente toutefois pas aux garçons la sexualité comme un joyau qu’ils offriront à l’autre. Comme société, nous gagnerions à présenter aux filles les premières relations sexuelles sous le même angle que ce que l’ont fait avec les garçons, en retirant cette pression de devoir « préserver ce bien précieux qu’est leur sexe » et d’insister plutôt sur la pertinence de choisir une personne en qui elles ont confiance, avec qui elles pourront explorer en se sentant en sécurité. Et ce, que cette autre personne soit un.e partenaire amoureux.euse ou non.

RespectDans l’éducation à la sexualité des filles et des garçons revient très souvent cette notion de « respecter les femmes ». Je constate toutefois que cette notion de respect semble confondue avec « l’asexualité ». Comme si, regarder une femme avec du désir sexuel revenait à ne pas la respecter. Comme s’il n’était pas possible de respecter une femme en étant bandé ou mouillée. Et que, par le fait même, il ne fallait pas trop voir les femmes comme des êtres sexuels pour les respecter.

Saviez-vous qu’exprimer un désir, qu’il soit sexuel, amoureux ou platonique, comporte une forme d’agressivité? Cette agressivité peut être saine ou pathologique. Et elle deviendra pathologique si elle outrepasse les limites de l’autre. Gardez en tête que la majorité des femmes ont envie d’être regardées avec désir, MAIS, dans le respect de leurs frontières. Le problème ne réside donc pas dans l’expression d’un désir sexuel avec une forme d’agressivité saine, mais plutôt d’outrepasser les frontières des femmes de façon « pathologiquement agressive », sans considération pour qui elles sont réellement.

Je ne compte plus le nombre de femmes dans mon bureau qui se jugent sévèrement d’avoir exploré leur sexualité très tôt, d’avoir eu cette curiosité sexuelle déjà enfant, de croire qu’elles ne se respectaient pas d’explorer leur corps seule ou avec d’autres. J’entends très rarement les mêmes autojugements de la part des hommes. Toutefois, autant je vois des femmes qui se jugent de leurs envies sexuelles et qui les refoulent, je vois des hommes se sentir coupables d’avoir envie des femmes et qu’ils n’osent pas les approcher. Ces deux polarités sont sur le même continuum, mais traitent de la même réalité; la sexualité des hommes et des femmes n’est pas sur le même pied d’égalité.

Luttes en 2020Une des luttes à mener pour l’égalité entre les hommes et les femmes est de permettre aux femmes d’être des personnes sexuelles, désirantes et désirables. De permettre aux petites filles d’être sexuées, non pas dans les yeux des adultes déviants, mais dans l’exploration de leur corps. D’enseigner aux pères que leurs filles ne sont pas « les princesses à papa », que leurs futur.e.s gendre ou brue n’ont pas à passer de questionnaire avant de sortir avec leurs filles; les parents ont à apprendre à faire confiance en l’intelligence et le jugement de leurs filles. Ils ont aussi à apprendre à leurs filles que celles-ci ont de la valeur et sont dignes de respect y compris lorsqu’elles sont agenouillées avec plaisir, nues, devant quelqu’un. L’égalité passe par l’enseignement que le respect envers une personne, qu’elle soit homme ou femme, ne devrait pas diminuer en fonction du nombre grandissant de partenaires sexuels.

Les luttes pour l’égalité entre les hommes et les femmes devraient impliquer que les femmes ont le droit d’exposer leurs désirs sexuels au grand jour sans crainte d’être victimes d’agression sexuelle. Que l’expression d’un désir sexuel ne signifie pas « bar ouvert ». Que les femmes n’ont pas à avoir honte de leur désir et n’ont pas à les cacher parce que des personnes n’ont pas l’intérêt de développer la capacité « de toucher avec les yeux seulement » dans les limites des frontières des femmes. Les luttes pour l’égalité entre les hommes et les femmes devraient aussi impliquer qu’être active sexuellement pour une femme devrait être une célébration, une fierté et une source de joie. Que cet apprentissage passe notamment par l’apprentissage aux fillettes et aux adolescentes que leur corps devrait être une source de joie, d’abord pour elles-mêmes, et de les encourager à l’explorer dans un contexte sécuritaire pour elles et pour les autres. Finalement, l’égalité entre les hommes et les femmes passe aussi par « le droit à l’orgasme » à la même fréquence et qu’un contact sexuel ne devrait pas automatiquement se terminer par la jouissance de monsieur.

La sexualité est la célébration du corps; c’est gratuit et agréable quand c’est vécu par choix. Il est faux de croire que les filles et les femmes en 2020 ont cette liberté sexuelle d’explorer leur corps comme bon leur semble au même titre que peuvent le faire les garçons et les hommes. Alors oui, la journée internationale des droits des femmes est toujours d’actualité en 2020.