Avez-vous entendu parler de Google street view? Il s'agit d'une nouvelle technologie proposée par Google. Vous souhaitez planifier un voyage dans une grande ville et vous souhaitez faire une visite virtuelle des petites rues que vous visiterez? Ce logiciel vous le permet!  Comment? Une voiture dotée d'une caméra filmant à 360 degrés déambule dans les rues des villes pour en capter toutes les images... incluant celles des gens y circulant. Google a pris soin de brouiller le visage des gens qui apparaissent sur les photos, mais est-ce suffisant pour assurer leur vie privée?

Plusieurs récits circulent à propos d'histoires d'adultère qui auraient éclaté au grand jour à cause de cette nouvelle technologie. Vérité? Canular? Difficile de le confirmer. Certains affirment qu'une personne n'ayant rien à cacher dans sa vie n'a pas à redouter d'être filmée et captée par ces caméras.

Saviez-vous que la cour suprême du Canada a statué qu'il s'agissait d'un argument inconstitutionnel? Personne, ni même la police d'ailleurs, ne peut utiliser cet argument pour vous demander de révéler des informations sur vous. Qu'on aille un éléphant de caché dans notre sous-sol ou un passé blanc comme neige, il nous revient à chacun de révéler les informations qui nous incombent (à moins d'un mandat de la police, mais ça, c'est une autre histoire!) Nous n'avons pas à prouver notre innocence, car nous sommes innocents jusqu'à preuve du contraire selon notre système de justice (à certaines exceptions, comme si nous conduisons une voiture ou si on nous accuse d'une infraction).

Mais si nous revenons à cette technologie, plusieurs questionnements éthiques se posent. Les exemples relatés traitent d'adultère, mais s'il s'agissait d'une personne qui s'apprête à entrer dans un sauna gai? Une personne n'a peut-être pas envie de crier sur tous les toits qu'elle est gaie. Il appartient à chaque personne de parler de son orientation sexuelle avec qui elle le souhaite, quand elle le souhaite et au moment qu'elle aura choisi.  Peut-être que cette personne ne se définit même pas comme homosexuelle, mais qu'elle a des activités sexuelles avec d'autres hommes de temps à autre. Cette même personne pourrait entrer dans un sex-shop (comme sur cette photo captée par le logiciel), dans un sauna hétérosexuel ou mixte! Est-il d'intérêt public de connaître les détails de l'intimité sexuelle des gens?

Le bill omnibus de Pierre Elliott Trudeau a statué que l'État n'avait pas à s'ingérer dans la chambre à coucher des Canadiens et des Canadiennes. Est-ce que des nouvelles technologies peuvent outre-passer cette loi?

On pourrait aussi se poser la question si on voyait une femme entrer dans une clinique d'avortement. Quelles pourraient être les conséquences pour cette femme d'être photographiée près de la clinique Morgentaler? Peut-être que cette femme appartient à une communauté religieuse qui la rejetterait si elle savait qu'une des leurs s'était fait avorter. Peut-être qu'il s'agit d'une jeune fille qui craint de se faire mettre à la porte de chez ses parents si ceux-ci l'apprennent.

Il existe beaucoup de "peut-être" concernant les impacts d'une technologie comme Google Street View, mais il est impossible pour la caméra de capter le vécu des gens pour connaître les dommages qu'elle peut causer et filtrer ses images en conséquence! C'est à nous de nous questionner sur les enjeux éthiques que ça comporte.

Qu'en pensez-vous? Exprimez-vous!

Sophie Morin, Sexologue-Consultante