Lors de mon précédent « post », j’affirmais que les sexologues avaient du mal à prendre position et une personne a réagi à mon propos. J’ai donc décidé d’expliquer un peu plus en détail mon commentaire.

Vous le saviez peut-être déjà, mais le département de sexologie a été fondé en même temps que l’UQAM, en 1969. Deux ans auparavant, un sondage avait fait tout un tapage médiatique au Québec; le 2/3 de la population québécoise considérait qu’une femme qui se masturbait : a) commettait un crime et devait être envoyée en prison (1/3) ou b) avait besoin « d’être internée » à cause de son trouble de santé mentale (1/3). Plusieurs spécialistes de la sexualité humaine étaient alarmés de constater ces résultats et ont décidé de se mobiliser pour qu’une école de sexologie soit créée au Québec.

Dans un Québec qui venait de crier son « Y en a marre de la religion! », où les femmes se battaient pour l’égalité, en même temps qu’un mouvement important se battait pour la libération sexuelle, un département de sexologie a vu le jour à dans cette nouvelle université du peuple qui allait être implantée à Montréal. Saviez-vous que le département de sexologie de l’UQAM est le seul en son genre au monde? Partout ailleurs, pour être sexologue, il faut d’abord détenir un autre diplôme professionnel; soit en médecine ou en psychologie par exemple. Au Québec, la sexologie est une profession  à part entière qui se distingue par sa vision globale et multidisciplinaire.

Quel était le mandat que les sexologues québécois et québécoises s’étaient donné à cette époque? Faire l’éducation à la sexualité pour tous et toutes, démythifier plusieurs tabous, encourager la population à développer son épanouissement sexuel, etc!  Bref, les sexologues souhaitaient amener les gens à voir au-delà du cadre; le cadre qui, pour la plupart, était le cadre religieux imposé par la religion catholique, très répressive et culpabilisante du plaisir érotique et sexuel.

Bref, leur rôle était de faire tomber les barrières et les tabous : chouette non?  Mais aujourd’hui? La situation n’est plus la même!  À plusieurs égards, la sexualité est banalisée.  On parle même de « la sexualisation de l’espace public » tellement la sexualité, l’érotisme, la nudité, voire la pornographie sont de plus en plus présents dans les médias et les publicités.

Un des mandats des sexologues est d’amener les gens à réfléchir à propos de leur sexualité. Alors qu’en 1969, on réfléchissait à la possibilité de se libérer de nos sentiments de culpabilité, de dire oui au plaisir sans honte, en 2009 on réfléchit aux impacts de la banalisation de la sexualité. Le défi n’est plus le même; en 1969 on parlait de la liberté de dire « oui », alors qu’en 2009 on parle de la liberté de dire « non ». Ce rôle est beaucoup moins marrant, parce que discuter de la possibilité de mettre ses limites et de ne pas avoir l’obligation de tout essayer avant d’affirmer ne pas aimer une expérience, ça fait moins cool et c’est moins vendeur.

Quand je disais que plusieurs sexologues avaient du mal à prendre position, c’est exactement à ça que je faisais référence : la peur d’avoir l’air moralisateurs/trices et de se rapprocher d’un discours religieux répressif. Mais après tout, réfléchir à propos de sa sexualité, ça implique aussi d’avoir la liberté de se fixer des limites personnelles et c’est non négligeable pour vivre une sexualité épanouie.


Sophie Morin, Sexologue-Consultante