Je viens de lire un article paru dans le Soleil qui s’intitule :
« Cancer: le dépistage de la détresse psychologique doit être suivi d'actions concrètes ». Pour avoir fait mes stages dans une école de massothérapie et avoir construit un programme de formation de 15 heures s’intitulant « Cancer du sein, sexualité et massothérapie », je suis particulièrement touchée par cette thématique.

Voici un extrait de l’article :
«Les personnes qui ont un cancer font face à un paquet de défis. Oui, il y a la dimension physique, mais elles sont touchées aussi au plan émotionnel, social, spirituel, organisationnel… Mais dépister n'est pas tout. Le programme n'aurait guère de sens et d'intérêt si les soignants se contentaient de noter au dossier que leur patient est très perturbé sur le plan émotif, ou a de la difficulté à organiser sa vie quotidienne en raison de sa fatigue. L'idée est plutôt d'identifier ce qui ne va pas et de l'orienter vers d'autres ressources. «Si c'est un problème physique, OK, nos infirmières peuvent s'en occuper. Si c'est un problème familial ou social, nos travailleuses sociales vont aider à trouver une solution. Au plan sexuel, on le dirigera vers un psychologue spécialisé en sexologie.»

Bon, dans ce texte, on y lit une bonne et une mauvaise nouvelle : la bonne, c’est qu’il y a une préoccupation du milieu oncologique à propos de la sexualité des patient.e.s qui sont touché.e.s par le cancer. C’est super, car il est vrai qu’un cancer peut modifier une panoplie d’éléments à propos de la sexualité et il faut souvent recadrer l’information qu’ont les patient.e.s à ce sujet (c’est encore plus vrai dans des cas de cancers liés à l’appareil sexuel masculin ou féminin).

Mais j’imagine que vous me voyez venir avec la mauvaise nouvelle : comment se fait-il que lorsque vient le temps d’aborder la sexualité on réfère la personne à un.e psychologue? Surtout qu’on spécifie « un psychologue spécialisé en sexologie ». 

C'est frustrant de voir que le milieu hospitalier balaie les professionnel.le.s de la sexologie. C’est écrit noir sur blanc dans cet article, mais c’est une réalité bien présente. C'est vraiment malheureux, car ces mêmes organisations publient des guides d’informations à propos de la sexualité et du cancer (je donne un exemple comme ça au hasard) et publient des informations parfois fausses, parfois erronées et parfois même, culpabilisantes pour les personnes qui ont le cancer de ne pas avoir des relations sexuelles avec leur partenaire. Voici quelques extraits tirés d’un document qui vise à démystifier la sexualité d’une personne atteinte du cancer :

« Prêtez attention à ce que votre partenaire ressent, car il/elle a peut-être peur de vous faire mal ou d’avoir l’air de précipiter les choses. »
Bien sûr, dans une relation sexuelle, il y a une notion de relation, de partage des responsabilités. C'est toutefois assez étonnant qu'on suggère aux personnes malades de s'occuper de leur partenaire en santé. Cette formulation est plutôt maladroite et exprime mal la façon dont le couple peut rester dans la communication et la relation à cette étape de leur vie.

« Planifiez vos activités sexuelles. Malgré une perte possible de spontanéité, un moment choisi à l’avance peut vous aider à composer avec la fatigue et la douleur. »
Où est la place pour : « Respectez-vous et respectez vos limites. Vous n’êtes pas obligé d’avoir de relations sexuelles si vous ne vous sentez pas bien. Il est possible que durant certains moments de votre traitement, vous choisissiez de ne pas avoir de relation sexuelle à cause de la fatigue, des douleurs physiques ou de l’épuisement psychologique. Ne vous jugez pas si ça arrive! Vous aurez bien le temps d’avoir des rapprochements érotiques lorsque vous vous sentirez mieux ! En attendant, rien ne vous empêche d’avoir des moments de tendresse avec votre partenaire si vous en avez envie »? Ben, pas là. Ce n'est pas là.

« Des faibles doses de testostérone sont parfois prescrites à des femmes dont la baisse de libido est persistante. »
Cette affirmation est partiellement vraie. Pour que l’administration de testostérone ait un impact sur la libido, il faut qu’une personne présente une carence de testostérone (que son corps en produise moins que prévu). Si, suite à une analyse sanguine, le taux de testostérone est régulier, l’administration de testostérone n’aura absolument aucun impact sur la libido d’une personne. De plus, la baisse de désir peut s'expliquer par énormément de facteurs. Cette phrase peut donner l'impression aux personnes que leur désir ne devrait pas trop être atteint et qu'elles ont la responsabilité de maintenir ce désir malgré la maladie.

Je n’ai cité ici que trois extraits cités d’un document rédigé sans la participation de sexologues, mais j’aurais pu en citer encore plusieurs autres.

Selon moi, la force d’une équipe est de faire appel à l’expertise de tout le monde. Et pour avoir une expertise complète au niveau de la sexualité, en prenant en considération toute la complexité de la sexualité et non uniquement ses aspects biologiques et médicaux, il faut introduire des sexologues dans les équipes d’intervention.