Depuis plusieurs jours, on voit fuser des histoires d’agressions à caractère sexuel dans les médias. Les ressources spécialisées auprès des victimes d’agression sexuelle sont débordées, des fonds publics ont été dégagés pour venir en aide à la foulée de personnes qui décident de briser le silence… et ce n’est pas fini. Le Code criminel canadien a été modifié il y a plus de 30 ans pour définir les agressions à caractère sexuel, mais jusqu’à tout récemment, il s’agissait du crime le plus sous-déclaré au Canada.

Ce qui est nouveau depuis quelques semaines, c’est que des personnes, beaucoup de personnes, parlent à visage découvert. Parmi ces personnes, il y a des femmes et des hommes, des personnes qui ont été victimes lorsqu’elles étaient adolescent.e.s ou adultes, beaucoup de personnes qui affirment avoir refusé les avances de leurs agresseurs. Beaucoup de personnes qui disent avoir dit non, souvent à plus d’une reprise. Parfois, très fort, en présence d’autres personnes. Ce qui sort publiquement depuis quelques semaines, c’est des témoignages qui ne cessent de faire tomber tous les mythes autour de l’agression sexuelle.

Depuis des années, on tente de faire des campagnes de sensibilisation auprès des potentielles victimes d’agression sexuelle en leur disant comment elles devraient se protéger, qu’elles doivent faire des cours d’autodéfense, de marcher avec leurs clés entre les doigts le soir, qu’elles doivent apprendre à dire non. Dans les témoignages entendus depuis quelques semaines, plusieurs victimes se sont défendues, ont été actives pour repousser leur agresseur. Le problème, c’est que le mal a été fait. L’agression a peut-être cessé avant de se rendre à la pénétration (parfois), mais l’agression à caractère sexuel, elle, est arrivée. Une personne a été intrusive et insistante dans un contexte sexuel. Les victimes ne souhaitaient pas ce contexte et se le sont fait imposer. Cours d’auto-défense ou pas. Affirmation de soi ou pas.

On voit maintenant mieux que le problème des agressions sexuelles ne réside pas dans la capacité des victimes à se défendre, car la défense a lieu après que l’agression sexuelle ait commencé. Le principal problème de l’agression sexuelle, c’est la difficulté de plusieurs personnes à croire qu’un désir n’est pas un besoin. Qu’une pulsion n’est pas un fixi; un engin disponible uniquement sans frein qu’on ne peut pas arrêter ou canaliser autrement.

Oui, le désir sexuel peut survenir comme une pulsion; cette envie d’aller vers l’autre dans un contexte sexuel et érotique. C’est exactement le même phénomène qui se passe lorsqu’un enfant entre au dépanneur avec son parent et qu’il a envie d’une tablette de chocolat. Dans le cas d’un jeune enfant, celui-ci vivra des frustrations fortes s’il se fait refuser le fruit de son désir. Apprendre à gérer la frustration lorsque nos désirs ne sont pas comblés fait partie du développement psychosexuel de tout être humain. Le hic, c’est que plusieurs personnes n’ont jamais appris sainement à vivre avec leur frustration. Certains croient qu’ils ne devraient pas vivre de frustration et que leurs désirs devraient être comblés. Dans le cas d’enfants, ils se mettront peut-être à voler des tablettes de chocolat. Ou de l’argent pour en acheter. Ou développeront des méthodes de manipulation plus ou moins sophistiquées. Dans le cas des adultes et de leurs désirs sexuels, ils croiront qu’ils peuvent prendre ce qui n’est pas à eux; le corps des autres.

Il est maintenant temps d’adresser le réel problème des agressions sexuelles; la croyance qu’il existe des bonnes raisons pour s’approprier le corps des autres. Ni l’humour, ni une relation de couple, ni l’alcool ne seront jamais des excuses pour croire avoir des droits ou des privilèges acquis sur le corps d’une autre personne. Jamais.

Article paru originellement dans le Journal le Canada Français