Avez-vous entendu parler des controverses à propos du monokini par les femmes dans les centres aquatiques canadiens cet été? Des femmes ont souhaité aller aux glissades d’eau en conformité avec la réglementation de la ville et de la province en couvrant leurs organes génitaux avec leur maillot de bain. Elles se sont fait dire que ce n’était pas suffisant et que, contrairement aux hommes, elles devaient obligatoirement cacher leurs seins. Des plaintes ont été formulées par ces femmes et l’affaire est maintenant entre les mains des tribunaux. Parallèlement, plusieurs centres aquatiques réfléchissent à leurs valeurs, aux droits des femmes et aux droits des enfants pour tenter de donner une orientation à la réglementation de leur centre. L’éléphant dans la pièce au cœur du débat est sans contredit la sexualité et les valeurs québécoises concernant la sexualité. Voici quelques non-dits qui ont été soulevés par cette situation.

Enfants vs adultes
Un des principaux points soulevés dans le débat concerne les enfants. « Le parc aquatique est un parc thématique pour les enfants et les familles. Si c’était pour les adultes, ce serait différent ». Le sous-entendu ici concerne l’érotisme, mais surtout, la nudité associée à l’érotisme. Dans l’imaginaire collectif québécois, la nudité est à peu près toujours associée à l’érotisme. Un corps nu est un corps excitant. Et l’excitation vient en partie du fait que ce soit interdit et caché. Si vous consultez la littérature d’il y a 150 ans, vous pourrez lire des récits ou la vue d’une cheville était absolument érotique. À d’autres époques, c’était les cheveux qui suscitaient cet éveil sexuel, alors qu’à d’autres, c’était la vue d’un genou ou du ventre. Ces sources d’excitation étaient associées aux mœurs de l’époque et à ce qui était interdit ou permis de voir.

On souhaite donc protéger les enfants de l’érotisme en présumant qu’un corps nu est automatiquement érotique. D’une part, nous avons du mal à voir un corps nu pour ce qu’il est : un corps nu. Un corps naturel. Un corps sans artifice. D’autre part, nous percevons l’érotisme comme quelque chose de dangereux. La conséquence logique est de vouloir protéger les enfants du danger en les gardant loin du danger. L’érotisme et le corps nu étant, pour plusieurs, indissociables, on s’affaire à cacher les corps nus. Et moins on en voit, plus la nudité reste interdite et excitante. Bref, cacher le corps et en faire un interdit est principalement ce contribue à le rendre érotique; ce n’est pas le corps comme tel qui est excitant; c’est le sens qu’on lui donne.

En utilisant les enfants pour interdire la nudité, on dévie en fait la question de base : la relation des adultes avec l’érotisme et le corps. Les enfants pourront être affectés par cette situation si les adultes de leur entourage leur ont présenté la nudité comme quelque chose de tabou et de mal. Si, depuis qu’il est petit, l’enfant se fait dire de se cacher et que tout le monde cache son corps dans des contextes naturels (moments d’hygiène, sortie du bain, de la piscine, changement de vêtements, etc.), il associera la nudité à un problème. Ce n’est pas sa croyance à lui; c’est ce qu’on lui a transmis. Un enfant qui aura évolué dans un contexte où la nudité naturelle est naturelle ne sera pas choqué à la vue de seins. En sommes, il est préférable de distinguer les questions d’érotisme et de nudité et de ne pas présumer qu’elles sont indissociables. Reste maintenant à réfléchir aux questions sur nos perceptions des corps dits féminins ou masculins pour poursuivre le débat. Bonne réflexion!

**Texte original paru dans le journal Le Canada Français