Le sujet du désir sexuel est une des raisons de consultation les plus fréquentes qu’on voit dans les bureaux de sexologues. Le désir sexuel, c’est quelque chose qui peut être assez fragile et qui peut facilement être englouti par toute une liste de choses « à faire ». À force de « faire » des choses, on s’éloigne souvent de l’essentiel; ce que nous sommes. Avez-vous déjà remarqué qu’on se définit davantage par les possessions qu’on a (une maison, des enfants, un travail, du matériel) plutôt que par les caractéristiques qui nous définissent au plus profond de nous?

Posséder des choses, ce n’est pas un problème en soi. Ce qui devient difficile, c’est lorsqu’on possède des choses sans que ça aille un sens, ou lorsque le sens est « parce qu’il faut », « parce que c’est comme ça ». Les défis arrivent lorsque le sens que vous donnez à votre vie est le sens que vous croyez que les autres ou la société attendent de vous. Parce qu’un adulte accompli, un homme ou une femme accompli.e.s est une personne qui correspond à une liste de critères précis. Les défis arrivent lorsque vous ne vous posez pas la question sur ces critères, sur le fait de savoir s’ils vous conviennent, s’ils sont cohérents avec vos valeurs, si vous avez envie de les endosser. Tous ces « il faut » viennent se poser sur vos désirs, sur vos souhaits et sur ce qui vous connecte avec votre désir d’être en vie. Petit à petit, vous vous déconnectez de vous-même parce que ce qui vous définit comme personne est complètement englouti par cette liste de « il faut ».

Ce manque de contact avec soi peut amener un faible désir sexuel ou l’utilisation de la sexualité en réponse à ce manque de connexion avec soi-même. Souvent, on observe que ces personnes ont eu très peu de contacts avec leurs désirs, parce que depuis toujours, on leur a dit « qu’il faut » et « qu’on doit » sans qu’il y ait d’espace pour autre chose. Bien sûr, le quotidien amène certaines obligations. Mais y a-t-il autant d’obligations que vous le croyez? Est-ce que toutes ces obligations que vous voyez sont nécessaires? Quel est votre espace de jeu? Quel est votre espace où vous vous retrouvez et que vous vous connectez avec ce que vous aimez? Arrivez-vous à créer une saine tension entre les aléas de la vie et vos désirs?

Il est aussi fréquent de voir que des personnes avec peu de désir sexuel sont en couple avec des personnes qui ont beaucoup de demandes sexuelles. Ces personnes ont souvent les mêmes failles et les mêmes défis; elles confondent « désir » et « besoin ». Elles confondent aussi « expression d’un désir » à « l’autre doit répondre à l’expression de mon désir ». Alors que les premières restent plutôt passives dans leurs actions, les deuxièmes sont intrusives avec leurs demandes. Mais dans les deux cas, chacune développe des frustrations de voir ses besoins incomblés. Dans un cas comme dans l’autre, les partenaires ont du mal à se retrouver dans ce qu’ils ont de plus intime. Ni un ni l’autre n’est connecté à son réel désir ni à son besoin en carence. Souvent, chacun se sent vulnérable et tente de protéger sa vulnérabilité en restant loin de son univers émotif. C’est aussi cet éloignement qui rend difficile la rencontre entre les partenaires.

Voici un scénario type d’une dynamique sexuelle de ces couples: 1) la personne avec une tension sexuelle approche l’autre sans valider les désirs de l’autre, donc, est intrusive dans sa façon d’approcher l’autre, 2) la personne avec moins de désir se referme, car elle se sent envahie dans son espace et ne sent pas que l’autre est à l’écoute, 3) la personne avec plus de désir est frustrée de voir que l’autre est fermée et exprime sa frustration de plusieurs moyens (bouderie, rejet, colère, blâme, etc.), 4) la personne avec moins de désir a du mal à expliquer ce qui se passe pour elle, car elle est peu connectée avec elle-même. Elle peut se blâmer, chercher des excuses, avoir l’impression d’être le problème, devenir frustrée, etc., 5) de l’espace se crée entre les partenaires, 6) un stress s’installe à l’idée d’un nouveau contact sexuel et la tension augmente.

Plutôt que d’identifier ce qui se passe pour qu’une tension saine donne naissance au désir sexuel, le repli sur soi des deux partenaires installe une tension malsaine entre eux et il se crée une distance pour éviter d’être blessé encore. Dans les faits, ni un ni l’autre des partenaires est suffisamment connecté avec lui ou elle pour nommer ce qui se passe, car les désirs sont engloutis sous les « il faut » et les « je dois » sans identifier quels sont les enjeux réellement en place. Le défi de ces couples est d’apprendre à s’occuper individuellement d’eux-mêmes pour mieux aller vers l’autre dans un esprit de partage et de support plutôt que dans un esprit de « l’autre me doit quelque chose ». Vous reconnaissez-vous dans ce type de couple?

Article paru originalement dans le journal Le Canada Français.