Si vous avez déjà eu une activité sexuelle qui vous a permis de ressentir une excitation rendant possible l’atteinte de l’orgasme, vous savez qu’à un certain moment, votre façon d’être change. Votre contact avec la réalité change. Cet état d’excitation sexuelle vous amène dans un état qui se dissipera quelques minutes après l’orgasme ou après la diminution de l’excitation. Et cet état est le fruit d’une modification observable dans le cerveau via des lectures en imagerie de résonnance magnétique obtenues en 2016.

Cet état de conscience modifié est un indicateur que la réponse sexuelle est pleinement déclenchée. Il s’agit de cet état ou les règles du jeu changent. Cet état ou, la personne morale et mature que vous êtes, que vous avez appris à être en société accepte de transgresser des règles qui ne le seraient pas durant un souper de famille. Cet état vous permet de prendre plaisir à mettre des objets dans votre bouche alors que ce n’est pas sensé, à vous salir et vous enduire, alors que ce n’est pas supposé, à prendre des positions qui vous rendent vulnérables, à vous dire des choses interdites. Cet état modifié vous permet de jouer avec les règles socialement établies, à les transgresser, un peu, et à en faire un divertissement. Pour plusieurs personnes, la transgression de ces règles une fois devenu.e.s adultes est difficile, voire impossible, ce qui rend l’accès à la sexualité érotique compliquée.

Cet état différent de la conscience est précisément celui qui inquiète beaucoup de personnes qui ont peu de désir sexuel ou qui ont du mal à atteindre l’orgasme. Si, au cours de vos activités sexuelles, vous réfléchissez à votre travail, à vos tâches, à ce que vous allez faire après l’activité sexuelle, c’est précisément que vous n’avez pas atteint cet état modifié de votre conscience créé par l’excitation sexuelle. Si vous utilisez un lubrifiant, car votre niveau d’excitation sexuelle ne permet pas une lubrification vaginale suffisante, observez d’abord si vous vous sentez pleinement dans cet instant sexuel, car il est possible que la lubrification ne soit pas réellement le problème.

Une récente étude scientifique sur le sujet de cet état modifié de la conscience est à l’image du problème de cet état. Les auteurs utilisent le terme « état altéré de conscience » qui, en soi, a une consonance morale négative qui réfère à quelque chose de « changé en mal ». Qu’est-ce qui fait que ce niveau de conscience différent, moins axé sur la sphère cognitive de l’intellect est jugé inférieur? Qu’est-ce qui fait que cette partie à l’intérieure de chaque être humain qui permet d’accéder à une forme de jeu différente est jugée comme « une forme altérée »?

Cet état de conscience n’est ni bon ni mauvais ni altéré. Il est. Il n’est pas utile de lui donner une connotation morale, mis à part si on souhaite regarder la sexualité avec un regard moral ou on présume qu’une grande excitation sexuelle survient « quand on est pas réellement nous-même ». Cet état met l’emphase sur d’autres priorités qui ne font pas de vous de bonnes ou de mauvaises personnes, y compris si cette excitation est incohérente avec des valeurs que vous avez lorsque vous n’êtes pas excité.e.s sexuellement.

Prenez le temps de vous accueillir dans votre incohérence. Le respect de soi ne passe pas par se voir comme « une bonne personne ». Le respect de soi est de s’accorder du respect avec ses imperfections et ses incohérences, dans la limite des frontières des autres qui nous entourent.

*Texte originalement publié dans le journal Le Canada Français