Avez-vous entendu parlé du "Colloque international : La tuerie de l'École Polytechnique 20 ans plus tard - Les violences masculines contre les femmes et les féministes" qui se tient à l'UQAM du 4 au 6 décembre 2009? En ce qui me concerne, j'ai décidé d'y assister. Parce que la pertinence avec mon travail actuel est manifeste, mais aussi par devoir de me souvenir de ces événements qui sont survenus alors que je n'avais pas 8 ans.

Il est assez frustrant de sentir cette peur, parce qu'il y a 20 ans, un individu est entré à la polytechnique et, avant de tuer 14 femmes, a hurlé: "J' HAÏS LES FÉMINISTES!".

Le drame de la polytechnique, c'est un homme qui en voulait peut-être aux femmes, mais qui en voulait surtout aux féministes. Ce meurtre de masse comptant 14 femmes ayant accédé à une école réservée exclusivement aux hommes quelques années auparavant est symbolique. Ces femmes qui ne se qualifiaient peut-être même pas de féministes représentaient la lutte des femmes pour l'accès à l'égalité en intégrant les sphères traditionnellement masculines; les sphères stratégiques et de pouvoir.

Comment croyez-vous qu'une femme féministe et militante se sent dans un rassemblement de féministes militantes pour souligner une tuerie qui les avaient pour cible?

Il est impossible d'aller dans un tel événement sans se demander si un anti-féministe aura choisi ce moment stratégique pour éliminer les féministes qui empoisonnent sa vie. Il est difficile de ne pas regarder autour de soi pour analyser les gens qui nous entourent en se demandant si une de ces personnes a des intentions malveillantes.

Peut-être devrais-je me sentir rassurée d'entendre aux nouvelles qu'un grand périmètre de sécurité a été mis en place, mais ça me rappelle surtout que le risque d'être la cible d'un meurtrier est bel et bien présent. Pourquoi? Parce que je suis une femme féministe qui aspire à un monde où les hommes et les femmes seraient égaux.

La tuerie ayant pour cible des femmes, survenue à l'école polytechnique, occupe une place énorme dans l'inconscient collectif québécois, car le 6 décembre 1989, quelque chose s'est brisé. Il est difficile de nommer quoi exactement, mais le malaise qui persiste autour de cet événement est palpable. Par exemple, les gens ne veulent pas aller voir le film (qui n'a d'ailleurs réussi à recevoir aucun financement public) et un collectif d'artistes ayant créé une exposition de commémoration n'a réussi à trouver aucune salle d'exposition acceptant de recevoir leur oeuvre: AUCUNE!

C'est très exactement ce malaise qui m'a poussée à passer par-dessus ma peur et d'assister à ce colloque: parce que je crois qu'il est important de comprendre ce que cet événement nous a légué comme héritage social qui n'est très certainement pas banal.

Gardez l'oeil ouvert, car dans les prochains jours, je vous ferai part de mes réflexions qui seront survenues au cours de ces trois jours de formation.

Sophie Morin, Sexologue-Consultante