Pour ceux et celles qui suivent mon blog, vous savez que j'ai assisté au colloque organisé par l'IREF (Institut de recherche en études féministes) en lien avec le 20e anniversaire des événements survenus le 6 décembre 1989 en fin de semaine.

Je dois d'abord débuter en disant que la qualité des présentations était impressionnante! J'ai assisté à plusieurs colloques internationaux aux coûts exorbitants et souvent, les titres des présentations dépassaient de loin la qualité des présentations elles-mêmes. Pour le colloque commémorant l'événement de la Polytechnique, c'était complètement différent. Durant 3 jours, des conférenciers et conférencières passionné(e)s, passionnant(e)s, maîtrisant leur sujet et très rigoureux(euses) dans leur analyse nous ont présenté toutes sortes d'aspects liés à la violence faite aux femmes et aux féministes. Bravo au comité organisateur de l'événement et surtout au choix qu'il a fait de garder ce colloque accessible au plus grand nombre en fixant le coût d'inscription très bas (30$ pour 3 jours pour les représentants des organismes communautaires en ce qui me concerne).

Durant ces trois jours, plusieurs thèmes nous ont été présentés, mais un thème a recoupé plusieurs présentations et m'a particulièrement jetée par terre; celui du malaise de nommer la violence dirigée vers les femmes et les féministes lors de la soirée du 6 décembre 1989.

Je m'explique. Je ne vous apprends probablement rien si je vous dis que ce sont des femmes qui ont été assassinées à l'école Polytechnique, mais saviez-vous que les politiciens ont accordé très peu d'importance à ce fait central dans la couverture de l'événement depuis 20 ans? Une conférencière qui a épluché les articles et les discours politiques en lien avec la Polytechnique nous disait qu'aucun politicien provincial n'a parlé de l'événement en dénonçant la violence tournée vers les femmes et les féministes. Le parlement n'a, à aucun moment, pris position en disant "Le Québec dénonce cet acte de violence envers les femmes et tient à rappeler que le Québec est une province qui se bat pour l'égalité entre les hommes et les femmes. L'assassinat de femmes fréquentant l'école Polytechnique, un lieu réservé il n'y a pas si longtemps exclusivement aux hommes, est un affront à la reconnaissance que notre peuple accorde à l'égalité entre les femmes et les hommes: nous souhaitons le dénoncer à la face du monde!"

Personne n'a proclamé un discours qui ressemblait à celui-ci! On a parlé de drame, de tuerie, etc., mais en tentant le plus possible de ne pas indiquer que les victimes étaient des femmes!

Vous voulez une démonstration de ce que j'avance? Voici ce qui est inscrit sur la plaque commémorative de la ville de Montréal en ce qui concerne cet événement:" La Ville de Montréal s'associe à l'action de la Fondation des victimes du 6 décembre contre la violence afin de promouvoir des valeurs de respect et de non-violence."

De violence? Il ne s'agissait pas d'un acte de violence indifférencié; il s'agissait d'un acte de violence contre les femmes qui se sont battues pour l'égalité des femmes: l'accès des femmes à l'école Polytechnique était un symbole de la lutte des femmes. Peut-être que ces femmes victimes n'étaient pas des féministes, mais si elles avaient la possibilité de fréquenter cette école, c'était grâce aux luttes des féministes qui se battaient et se battent encore pour l'égalité et par le fait même, pour que les femmes aient accès à tous les corps de métier! Cette tuerie n'a pas eu lieu dans une école de sciences infirmières, à la faculté de l'éducation où dans une école de coiffure et d'esthétique où le pourcentage de femmes est pourtant beaucoup plus élevé; il a eu lieu à la Polytechnique.

Je fais une parenthèse pour dire que cet homme aurait sûrement eu besoin d'aide et avait très probablement des problèmes de santé mentale. Mais est-ce que ça change le fait qu'il a assassiné des femmes? Non.

Est-ce que nous excusons Hitler en disant qu'il avait probablement des problèmes de santé mentale? Pourquoi tentons-nous de minimiser cette tragédie en expliquant que Lépine était un être asocial, dont le père manquait? Les raisons ne changent rien aux résultats et il faudrait peut-être cesser de regarder uniquement en arrière pour mieux réfléchir collectivement au réel débat social qui se cache derrière Polytechnique.

D'accord les policiers et les ambulanciers sont mieux formés pour intervenir dans une éventuelle tuerie, mais après? On attend que ça survienne encore pour que ces acteurs formés interviennent?

Ce qui m'attriste et me frustre à la fois, c'est de constater que cet événement extrême a ouvert la porte à la tenue de paroles et de gestes anti-féministes librement sur la place publique, car en comparaison avec la tuerie du 6 décembre 1989, tout le reste semble banal et anodin, parce que la violence est moins extrême. Peut-on travailler un peu plus en prévention qu'en intervention?
Il faut arrêter de croire et de dire que les féministes sont allées trop loin et ont donné lieu à cette tragédie. Il ne faut pas oublier que le mouvement féministe est un mouvement pacifique qui aspire à l'égalité entre les hommes et les femmes; le mouvement féministe, contrairement à ce que certains anti-féministes souhaiteraient croire, n'a jamais fait de victime.

Feu Pierre Falardeau disait:"On va toujours trop loin pour ceux qui ne veulent aller nulle part"; j'adore cette phrase et elle me donne des forces pour poursuivre mon travail en défense des droits!

Sur ce, je vous souhaite un bon début de semaine!

Sophie Morin, Sexologue-Consultante, fière d'être féministe en cette journée du 6 décembre vous indique que les chroniques militantes prendront un peu de repos pour les prochains jours! :-D