Hier, la Cour Supérieure de l'Ontario a rendu un jugement qui vise à retirer du Code criminel canadien certains articles de loi afin d'assurer aux travailleuses du sexe  des conditions de travail sécuritaires. Au-delà du débat "Pour ou contre le jugement de la Cour Supérieure de l'Ontario", il ne faut pas confondre "décriminalisation de la prostitution" et "légalisation de la prostitution", car ces deux concepts partagent certaines ressemblances, mais ils ne sont pas synonymes. Je le nomme, car certaines instances ont produit des communiqués de presse hier et aujourd'hui, mais ces instances ne semblent pas connaîtrent les différences entre "décriminalisation" et "légalisation".

Voyons de plus près les nuances que comportent ces deux concepts :

Décriminalisation de fait: Consiste à faire appliquer les procédures prévues par la loi. Au Canada par exemple, plusieurs chefs d'accusation existent entourant la prostitution, mais ils ne sont pas rigoureusement appliqués par la police. Cette pratique donne donc un pouvoir discrétionnaire aux forces policières, avec un risque potentiel pouvant conduire ces derniers à l'arbitraire et à des procédés inéquitables. Donc si je simplifie, c'est le concept de "Si ta face ne me revient pas, je t'embarque en utilisant un chef d'accusation lié à la prostitution, sinon, je te laisse faire tes affaires..."

Décriminalisation officielle: Pour en arriver à ce type de décriminalisation, il faut procéder à l'abrogation des législations nationales en retirant les articles concernant la prostitution dans le Code criminel. Par contre, la responsabilité du gouvernement s'arrêterait à ce niveau en laissant au "libre marché" la responsabilité de "gérer la prostitution". C'est ce qui arriverait si le jugement de la Cour Supérieure de l'Ontario ne va pas en appel ou si, une fois qu'il ira en appel à la Cour Suprême, le jugement est maintenu et déclaré constitutionnel. 

Légalisation: Cette stratégie s'apparente à celle de la décriminalisation officielle, tout en préconisant certaines mesures de contrôle. Dans ce cas, l'État assure un contrôle en faisant appliquer certaines réglementations: il peut décider de faire payer des taxes aux travailleuses du sexe, d'imposer des quadrilatères où sera autorisée la prostitution, émettre des permis aux personnes qui souhaitent se prostituer, exiger des examens ou des contrôles médicaux à passer pour avoir le droit de travailler, etc. La légalisation ferait en sorte que l'État assumerait la gestion de la prostitution, comme il l'a fait avec l'alcool, les cigarettes et le jeu. Bref, l'état deviendrait le souteneur (pimp) des personnes qui oeuvrent dans le travail du sexe!
Comme vous pouvez voir, il existe des nuances importantes entre la décriminalisation et la légalisation de la prostitution. Il est aussi important de nommer que les organismes qui se réjouissent aujourd'hui du jugement de la Cour Supérieure de l'Ontario ne préconisent pas du tout la légalisation de la prostitution. L'organisme Stella notamment est contre (on peut le lire ici ).
 
J'espère que cet article vous aura éclairé!
 
Bonne journée!
 
Sophie Morin, Sexologue-Consultante