Aux États-Unis, il y a quelques jours, une élue démocrate s'est vue interdire son droit de parole sur un dossier politique quelconque. Pourquoi? Parce que la veille, elle a pris la parole dans le cadre d'un projet de loi qui tente de limiter aux femmes l'accès à l'avortement. Dans son plaidoyer contre ce projet de loi, elle s'est dit flattée qu'on s'intéresse à son vagin, mais que « non » veut dire « non ».

Les Républicains, majoritaires en chambre, ont été renversés d'entendre le mot vagin dans le cadre de discussions politiques et c'est ce qui a « justifié » que l'élue démocrate, Lisa Brown, se fasse retirer son droit de parole. Même après avoir plaidé que le mot « vagin » était le mot médical correct à employer dans le contexte, que les éluEs se trouvaient entre adultes et qu'il paraissait farfelu de tenter de légiférer le vagin des femmes sans qu'on aille même le droit de le nommer, rien n'y a changé.

Scandaleux n'est-ce pas? Je suis assez d'accord avec vous. C'est tellement absurde que le mot absurde a l'air ridicule tellement il n'exprime pas l'ampleur de la situation dans ce contexte!

Nous avons souvent l'impression, ici au Québec/Canada, que nous sommes loin de ce genre d'idées ridicules à propos de la sexualité (quoi qu'au Canada, on vient de vivre une situation similaire avec le ministre de la culture qui a interdit que les ados aient accès à « Sexe, l'expo qui dit tout », une expo très bien construite et adaptée POUR les ados... ».

Mais saviez-vous qu'au Québec aussi, on préfère parfois que le mot « vagin » ne soit pas utilisé, car il est trop vulgaire? Oui, oui! Je vous jure! J'ai même un fantastique exemple à vous fournir à ce sujet.

Il y a quelques années, dans le cadre d'un cours à la maîtrise, on nous avait demandé de réfléchir à la sexualité à travers un art. J'avais décidé de choisir « l'humour » et la question de base de mon travail était « Est-il possible de faire de l'éducation à la sexualité par l'humour? ». Je me demandais si le stand-up comique ou la comédie pouvait être un outil d'éducation à la sexualité. Afin de m'aider à brainstormer sur la question, je suis entrée en contact avec Louis Morissette, l'auteur de « C.A. », alors que la série en était à sa première année à la télé. Louis Morissette a été très généreux et nous avons discuté longuement de cette question. Nous avons aussi débordé de la question en discutant de nos observations sur la sexualité dans la société québécoise.

Je ne sais pas si vous vous souvenez de C.A., cette série-télé qui a abordé toutes sortes de thèmes en lien avec la sexualité? Tout un jargon avait été développé pour aborder la sexualité; on parlait d'une « collation » au lieu de « fellation », d'un « chantier » au lieu d'un « vagin », etc. À l'époque, j'avais été dérangée par ce jargon. Je trouvais assez ridicule qu'on ne puisse parler de sexualité sans être capable de nommer « pénis, vagin, masturbation »! J'ai donc profité d'avoir Louis Morissette en face de moi pour lui demander ce qui avait motivé son choix. J'ai été absolument renversée par sa réponse : « Lorsque j'ai présenté mes textes à Radio-Canada, j'utilisais les vrais termes, mais on m'a dit que c'était trop vulgaire, qu'on ne pouvait pas dire « vagin » avec les taxes des QuébécoisEs. J'ai donc modifié les textes et créer ce jargon ».

!!!

C'est renversant non? À la direction de la télé de Radio-Canada, on a jugé qu'il était moins vulgaire de parler d'un vagin en disant « chantier » qu'en disant « vagin »!

La question qui m'habite est la suivante : est-ce que l'équipe de Radio-Canada est trop stuck-up ou est-ce que cette équipe est assez branchée avec la population québécoise et est capable d'anticiper le déferlement de plaintes qui auraient été envoyées s'ils avaient permis à un auteur de parler de sexualité avec humour en employant les vrais termes sur leurs ondes?

Et vous, qu'en pensez-vous?