L'Halloween, c'est la veille de la fête des Morts et la nuit où les fantômes reviennent nous hanter. C'est aussi la journée où petits et grands personnifient toute sorte de personnages macabres et en profitent pour donner la frousse à leur entourage!

Mais certaines personnes n'attendent pas l'Halloween pour se donner la frousse ou pour écouter des films d'horreur. Certain(e)s de ces personnes se contentent d'être spectatrices alors que d'autres souhaitent passer à l'action en produisant du matériel d'horreur. C'est le cas de Rémy Couture, un passionné qui vit de son art en produisant des effets spéciaux pour des petites et grosses productions cinématographiques. Et à temps perdu, il a aussi créé un site Web qui se veut "le journal intime d'un tueur en série".

Présenté comme ça, ça semble une bonne idée pour un artiste de l'horreur; ce site lui permet de présenter son travail concrètement et lui sert de carte de visite et de porte-folio pour ses éventuels client(e)s. Mais il y a un mais...

L'équipe des Francs-Tireurs a produit un reportage la semaine dernière couvrant cette situation. Pourquoi? Parce que Rémy Couture a été arrêté pour "corruption des moeurs" et pour "production de matériel obscène".  Je vous le dis tout de suite; il est inutile de faire une recherche sur le Web pour voir le matériel de Couture; le site Web a été retiré de la toile. Par contre, vous pourrez voir des extraits dans le reportage des Francs-Tireurs ici.

Quels sont les enjeux présents dans cette situation? La liberté d'expression (de l'artiste et de son art) vs la perturbation de la société québécoise (ou perturbation des moeurs).

Bon, je sais que les mots "moeurs" et "moral" n'ont pas bonne presse et nous donnent l'impression qu'on recule dans les années 50 ou encore dans un contexte judéo-chrétien strict où on n'a jamais le droit de ne rien faire. Mais avant de choisir votre camp, laissez-moi poursuivre.

De façon abstraite, j'étais la première à me dire "il me semble que c'est intense cette histoire d'arrestation pour la production de matériel d'horreur"... Mais quand j'ai vu les images, je me suis plutôt dit :" Wooo... il me semble que c'est vraiment intense ces images-là...". Quelles sont ces images? Des images très réalistes filmées un peu à la "Blair witch projets" présentant un psychopathe sadique tuant et souillant ses victimes. Dans les quelques images que j'ai vues (et j'en ai vu bien assez, pour ne pas dire trop...), on voit des femmes et des enfants se faire kidnapper, attacher, torturer, découper et... violer. Et dans le seul but de montrer des femmes et des enfants se faire kidnapper, attacher, torturer, découper et... violer. Et j'ai mis "violer" à la fin de l'énumération exprès, car les viols (où la masturbation du tueur en série) ont lieu sur les cadavres (de ce que j'ai vu en tout cas).

Il ne s'agit pas de scènes qui ont pour objectif de contextualiser une situation, comme la scène de viol épouvantable et interminable dans le film "irréversible". Malgré que j'aille détesté "irréversible" et que je ne l'ai pas écouté en entier, ce film évoquait quelque chose; la scène de viol avait pour objectif de faire réfléchir les téléspectateur(trice) au contexte et à la perception des gens entourant l'agression sexuelle.

Mais dans les films de Couture, nous n'avons que les scènes d'horreur et d'érotisation d'une violence extrême. Point.

Vous souvenez-vous de vos cours de philo? Moi je me souviens de celui où on nous a présenté "l'éthique kantienne". En résumé, notre prof nous avait expliqué que les individus dans la société pouvaient avoir différents niveaux de motivation pour poser des actions qui avaient un impact sur la société. Sur une échelle de 1 à 6, l'attitude "la loi c'est la loi" était la 3e. Pour en arriver à la 6e (soit celle qui était souhaitable), une personne devait poser des gestes en fonction du mieux-être pour elle, pour les autres et pour l'ensemble de la société. Cette attitude correspond à ce qu'un "comportement éthique" est.

Est-ce que la circulation de matériel comme celui de Rémy Couture est souhaitable pour lui, pour l'autre et pour l'ensemble de la collectivité? Je répondrais "Parfois", "ça dépend" et "non".

"Parfois", car avant d'être arrêté, Rémy Couture faisait la promotion de son talent artistique par le biais de ce site. Mais c'est aussi ce site qui l'a fait arrêter...


"Ça dépend", car "l'autre", ça peut être les accros aux films d'horreur, mais aussi toutes les personnes qui ont pu voir ces images (parents, victimes d'agression sexuelle, enfants, etc.). Et au sujet des accros aux films d'horreur, je souhaite souligner que le président de SPASM, Jarrett Mann, a confié au journaliste Richard Martineau qu'un seul film de Rémy Couture a été accepté à leur festival de films d'horreur. Ce film a été présenté un an après sa soumission, car le comité de sélection considérait que le contenu du film était très intense. Et finalement, lors de la présentation dudit film au festival SPASM, celui-ci a été hué (seul film qui a été hué) et plusieurs personnes sont sorties de la salle; et ces personnes sont des mordues de l'horreur.

"Non", car je crois que la société n'a rien à gagner qu'on banalise et qu'on érotisation la violence. Et tous les "oui, mais lui aussi le fait!" ou "on voit pire ailleurs" n'ont rien à y voir. Jarrett Mann amenait un point de vue très intéressant sur le sujet. Il disait "Si on accepte "le journal intime d'un tueur en série", on devra aussi accepter "le journal intime d'un pédophile" ou "le journal intime d'une personne raciste" et toutes les images qui vont avec"(je paraphrase). Est-ce réellement souhaitable pour la société? Non, pas du tout.

À mon sens, tous les êtres humains devraient poser des actions dans un sens éthique et non pas dans un sens de "la loi c'est la loi" et se cacher derrière "j'ai le droit". 

Ça me frustre qu'on nous sorte "la liberté d'expression" et "la liberté de création" dans ce dossier. Est-ce que quelqu'un est en mesure de m'expliquer qu'est-ce que des représentations de violence sordide  expriment?  Je suis peut-être bête, mais je ne vois pas en quoi c'est sensé exprimer quelque chose.

Je trouve que ce discours stérile est le même que celui que nous servent les créateurs de mode qui nous disent que leurs vêtements "tombent mieux" sur des femmes de 2 mètres pesant 100 livres en se foutant des impacts que ça a sur les femmes en général et sur les mannequins en particulier.

S'il n'y avait pas d'êtres humains, il n'y aurait pas d'art. On ne peut donc pas faire fit des sentiments humains au nom de l'art.

Pour moi, la violence sexuelle est inacceptable; qu'elle soit réelle ou simulée. La violence sexuelle réelle fait des victimes tous les jours. La promotion de matériel de violence sexuelle fictive banalise la violence sexuelle réelle et cristallise les pensées des personnes qui ont des comportements violents dans leur sexualité en "validant" leurs comportements (je le mets entre guillemets, car le trajet pour se rendre à ce point est plus long, mais au bout de la ligne, c'est la conclusion que tirerait n'importe quel intervenant travaillant en délinquance sexuelle).   Et je ne dis pas ça parce que je suis bête et que je ne sais pas faire la différence entre la réalité et la fiction; je comprends très bien la différence, mais je suis contre cette violence, point.

Est-ce que Rémy Couture devrait être acquitté ou condamné pour cette action? J'ai envie de vous dire que je m'en fou. Car je ne crois pas que ça conscientisera réellement cette personne, ni toutes les personnes qui partagent son point de vue. Bien sûr, ça créera une jurisprudence, mais si les gens ne croient pas à l'importance de ne pas banaliser la violence sexuelle, ils chercheront à contourner le règlement et ne prendront pas conscience de leurs actions. J'espère néanmoins que le procès amènera une partie de la société à réfléchir sur le problème de fond qu'amène la banalisation de la violence sexuelle; ce sera toujours ça de gagné!

Sophie Morin, Sexologue-Consultante